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  • Photo du rédacteurStéphane Lacroix

Derrière une grève peut se cacher un problème bien plus grave

Dernière mise à jour : 12 août 2023


Le président-directeur général de la Fédération des chambres de commerce du Québec, Charles Millard, écrivait hier dans le Soleil que les conflits de travail menaceraient le bien commun. Il prend pour exemple la grève des chauffeurs et chauffeuses de bus de la ville de Québec, les manifestations au port de Vancouver et l’interminable débrayage au cimetière Notre-Dame-des Neiges.

Pour éviter ce genre de crise, le dirigeant patronal propose le déclenchement automatique d’un arbitrage exécutoire afin que certains arrêts de travail ne nuisent pas au bien commun.

« Un tel exercice, impartial et indépendant, ne viendrait pas déséquilibrer les rapports de force et obligerait les parties à faire preuve de retenue et de bon sens dans le cadre de leurs négociations afin d’éviter un dénouement qui serait possiblement désavantageux pour l’un et pour l’autre », écrivait-il.

L’idée n’est pas mauvaise en soi, notamment pour certains secteurs qui sont vitaux pour le confort, la sécurité et le bien-être de la population. Mais pour la majorité des sphères d’activité économique, elle comporte des risques.

Ainsi, les tribunaux du travail pourraient rapidement devenir encore plus encombrés qu’ils ne le sont présentement. Par conséquent, rien ne garantirait que la dispute patronale-syndicale serait réglée plus rapidement. Ni que les résultats seraient forcément plus avantageux pour les deux parties. Cela entraînerait donc du ressentiment que les parties traîneraient pendant des années… jusqu’à la prochaine ronde de négociations.

Au Québec, on appelle ça « pelleter par en avant ».

J’ai vécu passablement de conflits de travail partout au Canada lors de mes 22 années comme directeur des communications d’un grand syndicat canadien. La plupart se sont déroulés de manière paisible, voire dans la bonne humeur. Les grèves étaient généralement de courte durée et de manière générale, les parties étaient de bonne foi. Les ententes de principe survenaient la plupart du temps moins d’une semaine après le déclenchement des moyens de pression.

Certains secteurs d’activité, comme les CHSLD et les résidences privées pour personnes âgées, vivaient parfois des conflits de travail, mais les moyens de pression n’avaient aucune répercussion négative sur les services. Prendre les ainé·es en otage était simplement inacceptable pour les gens qui en prenaient soin.

Mais dans d’autres secteurs d’activité, j’ai constaté dans certains cas que la grève était un exutoire qui permettait aux travailleurs et aux travailleuses de laisser sortir la vapeur. J’ai même été impliqué dans un débrayage où les syndiqué·es exigeaient purement et simplement de ne plus travailler avec un cadre intermédiaire dictatorial.

Ces femmes et ces hommes étaient résolus à rester « dans la rue », comme on dit dans ce milieu, jusqu’à ce qu’ils et elles obtiennent satisfaction.

Lorsque le propriétaire de l’entreprise en question prit conscience que l’enjeu n’avait rien à voir avec les conditions de ses salarié·es, il prit la décision courageuse d’écarter le gestionnaire qui était à l’origine de la discorde.

Et les choses reprirent leur cours normal.

La leçon que j’ai tirée de cet épisode fascinant de ma précédente vie professionnelle est limpide : il ne faut jamais perdre de vue la dimension émotive qui régit les relations de travail. Si on l’ignore, l’éventuel conflit de travail deviendra larvé et réapparaîtra plusieurs années plus tard. C’est d’ailleurs l’une des raisons pour lesquelles j’aide désormais les entreprises à éviter ce genre de catastrophe à retardement. C’est à la fois gratifiant personnellement et très utile pour toutes les parties qui veulent prendre le sentier de la guerre.

Soyons prudent·es : derrière une grève peut se cacher un problème bien plus grave encore.


Stéphane Lacroix est expert-conseil en relations publiques et en gestion de crise chez LacroixRP.

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