Le phénomène des fausses nouvelles prend une ampleur inédite depuis le début de la pandémie de COVID-19. Les manifestants anti-masque sont venus nous rappeler dernièrement que les théories de complot sont bien vivantes et qu’elles trouvent un public de plus en réceptif. La journaliste Rima Elkouri de la Presse + se désole ce matin que des gens éduqués y adhèrent et elle attire notre attention sur une étude à ce sujet qui a été effectuée par l’Université McGill.
Prenons un pas de recul et demandons-nous si les journalistes ne sont pas un des facteurs contributifs à l’avènement des fausses nouvelles. Puisque la nature à horreur du vide, la perte de crédibilité des journalistes que nous observons depuis quelques années aurait-elle provoqué l'apparition - et la diffusion massive - de fausses nouvelles?
Ainsi, dès 2007, une étude de la firme Edelman indiquait que les entreprises étaient jugées plus dignes de confiance que les médias. Depuis ce temps, cette confiance à l’égard des médias semble s’éroder année après année. À titre d’exemple, les médias perdent encore de la crédibilité aux yeux des Français en 2020 selon un article paru.
Il y a très peu de voix au Québec qui expriment leurs troubles face à la dérive qu’a pris certains médias d’informations et journalistes : virage vers les chroniques à tous vents; publication d’informations non vérifiées, voire erronées (on a qu’à penser à "l’histoire de la mosquée" qui s’est avérée fausse); charge de travail des reporters qui ne leur permet pas de prendre une distance ou d’approfondir leur sujet; obligation d’être le premier sur une nouvelle; couverture précipitée (et partielle) d’enjeux qui nécessitent réflexion, etc. sont autant de pièges dans lesquels les journalistes et leurs employeurs sont tombés au fil du temps, afin, disent-ils, de survivre dans un environnement de plus en plus compétitif.
Cela dit, « valoriser » le journalisme de qualité et faire de « l’éducation aux médias » comme l’écrit Rima Elkouri ce matin est, certes, une approche souhaitable, mais on aurait tort de faire l’économie d'une réflexion quant au rôle que les journalistes ont eux-mêmes joué dans leur perte d’influence et de crédibilité et, par conséquent, dans l'avènement des fausses nouvelles.
Du moins, c'est une piste de réflexion qui vaudrait la peine d'être explorée.
Stéphane Lacroix est expert-conseil en relations publiques et en gestion de crise chez LacroixRP.
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