En 2010 le Centre facilitant la recherche et l'innovation dans les organisations (CEFRIO) annonçait qu’en un peu moins de cinq ans, « les réseaux sociaux avaient connu une évolution fulgurante ». Depuis ce temps, ils sont devenus pour bon nombre d’entre nous la source principale d’information, une fenêtre incontournable sur le monde.
Capables du meilleur, les réseaux sociaux réunissent des familles et permettent à des amis de garder ou de reprendre contact, notamment. Ou de partager des photos de chats.
Mais ils ont aussi un côté sombre.
Le documentaire intitulé « The Social Dilemma » sur Netflix nous apprend que les algorithmes des réseaux sociaux, notamment ceux de Facebook, nous enferment dans des bulles idéologiques en fonction des choix que nous faisons lorsque nous y naviguons. Par exemple, si je m’intéresse aux théories du complot, il y a fort à parier que mon fil d’actualité Facebook me présentera des « nouvelles » similaires, renforçant un peu plus chaque jour mon point de vue à ce sujet.
Que nous soyons intéressés aux potentielles conséquences néfastes du déploiement du réseau 5G, à notre liberté qui serait brimée par le port du masque, au racisme systémique ou à l’augmentation des GES, nous sommes constamment exposés sur les réseaux sociaux à des informations qui cristallisent nos opinions ou nos croyances. Peu importe qu’il soit fondé ou non, notre point de vue mérite d’être mis à l’épreuve hors de ces bulles idéologiques parce qu’elles peuvent faire obstacle à notre capacité à discuter calmement, à trouver des compromis, ainsi qu’à notre empathie et notre solidarité les uns envers les autres.
Pour preuve : l’hostilité d’un nombre grandissant d’internautes sur les réseaux sociaux a entraîné des arrestations et des mises en accusation pour menaces de mort contre des politiciens et des politiciennes, ce qui était impensable il y a quelques années à peine.
De plus, près du quart des Québécois et des Québécoises souscriraient aux théories du complot, notamment celle qui veut que le coronovarius ait été créé en laboratoire. Alors, peut-on s’étonner de leur méfiance à l’égard des commentaires et consignes des spécialistes en santé publique?
Ce rejet de la science n’est pas sans conséquence. En refusant de reconnaître la prémisse scientifique nécessaire à un débat sain sur la COVID-19, ou sur tout autre sujet, une personne sur quatre refuse donc d’engager de facto la conversation.
Néanmoins, il serait malhonnête de ma part d’affirmer que les réseaux sociaux en sont les seuls responsables. À elle seule, la pandémie a provoqué une réelle détresse psychologique chez bon nombre d’entre nous. Cette crise provoquée par la COVID-19 renforce d’ailleurs l’impression de perte de contrôle sur notre vie. Comment pourrait-il en être autrement quand on ne peut plus voyager outre-mer, qu’il faut se munir d’un masque chaque fois qu’on quitte la maison et qu’il soit impossible de se réunir lors d’événements familiaux importants?
On peut supposer que cette absence de maîtrise sur nos vies a été exacerbée dans les dernières décennies par l’évolution accélérée des technologies, de nos mœurs et de la dégradation de notre espace de vie. Certains d’entre nous se sont adaptés, d’autres peinent à suivre le rythme. Par conséquent, plusieurs choisissent la dissidence et remettent en doute la crédibilité de la science.
C’est la raison pour laquelle je suis d’avis que plutôt que de ridiculiser celles qui adhèrent aux théories du complot, il serait plus utile et humain de leur tendre la main. Certes, nous avons tous et toutes droit à notre point de vue et la pensée unique n’est pas souhaitable, mais nous devons aussi être capables de discuter afin d’assurer la cohésion de notre société.
Autrement, nous serons condamnés de faire du surplace, paralysé par l’opposition entre deux courants de pensées qui vont nous éloigner les uns des autres.
Stéphane Lacroix est expert-conseil en relations publiques et en gestion de crise chez LacroixRP.
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