Un affrontement entre les syndicats et le gouvernement du Québec semble inévitable. La pression commence à monter sur François Legault et son équipe ministérielle, qui font face à plusieurs centaines de milliers de travailleuses et de travailleurs résolus à améliorer leurs conditions de travail. Un sondage publié par le front commun syndical semble démontrer que la population québécoise se range du côté des syndiqué·es :
La très grande majorité des Québécoises et des Québécois sont d’avis que le gouvernement doit améliorer les conditions de travail de son personnel (87 %) pour demeurer compétitif sur le marché du travail;
Les personnes sondées pensent également que les salaires devraient minimalement être indexés au coût de la vie (86 %);
Les trois quarts sont aussi d’avis que les salaires du secteur public devraient être équivalents à ceux du secteur privé (77 %).
Nul n’ignore qu’une majorité des salariées de ces secteurs d’activité sont des femmes. On sait aussi qu’en 2022, l'écart de rémunération horaire entre les hommes et les femmes atteignait 3,25 $. Dans une étude, l’Institut de la statistique du Québec (ISQ) précisait que le taux horaire moyen des femmes atteignait 29,29 $ en 2022 et celui des hommes du même groupe d'âge, 32,54 $. Bien que l’écart entre les femmes et les hommes se réduit avec le temps, ce n’est pas demain la veille que la parité sera atteinte.
L’ex-politicienne Françoise David écrivait récemment dans une lettre ouverte que quand vient le temps d’augmenter la rémunération des femmes qui œuvrent dans le système de santé et dans le système public en général, ça coûte (toujours) trop cher.
Judith Huot, la première vice-présidente de la Fédération de la santé et des services sociaux (FSSS), écrivait dans le Devoir qu’elle était « …tannée de vivre des réformes de [ses] services publics sans qu’on [la] consulte comme travailleuse, comme usagère et comme citoyenne… Tannée d’avoir de moins en moins accès à [ses] services, malgré le fait que ça fait trois réformes qu’on [lui] promet le contraire. »
La rémunération inéquitable des femmes s’ajoute à l’accès à l’avortement qui recule dans plusieurs états américains, et aux franges politiques conservatrices canadiennes qui sont de moins en moins complexées à l’idée de parler ouvertement d’en restreindre l’accès. Sans compter les violences sexuelles et psychologiques que subissent encore un trop grand nombre de femmes d’ici. On pourrait aussi mentionner l’écriture inclusive, qui permet aux femmes d’être plus présentes dans notre langue, qui est rejetée du plat de la main par des gens qui adhèrent à des théories discréditées par nombre d’études selon lesquelles cela compliquerait la lecture et l’écriture du français.
De plus, celles qui réussissent tant bien que mal à grimper dans la hiérarchie savent que le « plafond de verre » n’a pas encore éclaté dans bon nombre de postes, tant dans l’entreprise privée qu’au gouvernement et dans la sphère politique.
Et que dire de l’âgisme que subissent de nombreuses femmes (et de nombreux hommes, reconnaissons-le) quand elles franchissent la cinquantaine. Pendant ce temps, certaines organisations patronales veulent inciter le gouvernement à relever ses cibles en immigration, alors que des dizaines de milliers de personnes compétentes — dont ces femmes qui habitent à deux pas de chez vous, mais qui peinent à se trouver un emploi — attendent vainement un appel d’un employeur.
Tout cela m’amène à me demander à quel moment le point de rupture arrivera.
À quel moment nos mères, nos amies, nos filles et nos consœurs se lasseront-elles de lutter contre une société qui n’est même pas capable de les rémunérer équitablement? Choisiront-elles de démissionner tranquillement et d’investir d’autres secteurs d’activité, laissant l’éducation et la santé avec une pénurie de main-d’œuvre impossible à juguler?
Viendra le moment où les femmes seront [vraiment] en colère. Et quand ça arrivera, c’est toute notre société qui y perdra au change.
Stéphane Lacroix est expert-conseil en communications et en gestion de crise chez Lacroix relations publiques.
Photo : Alex Green
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