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Cette Formule Rand qu’on croyait intouchable

Dernière mise à jour : 30 sept.

Entrevue donnée par l'auteur lors d'une grève
Entrevue donnée par l'auteur lors d'une grève

Stéphane Lacroix est gestionnaire de crise chez Lacroix relations publiques. Il a été directeur des communications d’un grand syndicat canadien pendant plus de 20 ans.


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Ce texte est paru dans La Presse le 30 septembre 2025



Une crise, c’est ce qui bouleverse à jamais un équilibre : une organisation, une communauté, des individus ou un mouvement social. Par exemple, la pandémie de COVID-19 a transformé notre rapport à la santé publique. Le drame de Lac-Mégantic a marqué pour toujours une ville et ses familles endeuillées. Aujourd’hui, c’est la Formule Rand qui risque de basculer dans cette catégorie d’événements qui changent la donne pour toujours.


Créée en 1946, la Formule Rand oblige toutes les personnes syndiquées d’une unité de négociation à verser une cotisation syndicale, qu’elles soient membres ou non, puisqu’elles profitent de conditions négociées pour l’ensemble du groupe.


Mais de toute évidence, la Formule Rand n’est plus sacrée pour notre gouvernement.


Lors du dernier remaniement ministériel, François Legault disait vouloir « moderniser » le régime syndical en limitant la possibilité de financer certaines activités, jugées « non directement liées aux relations de travail ». Par conséquent, une portion des cotisations deviendrait facultative, notamment pour les recours devant les tribunaux, les campagnes publicitaires, les dons ou l’appui aux mouvements sociaux.


Il s’agit d’un changement profond, voire d’une crise pour le mouvement syndical, puisque l’argent est le nerf de la guerre pour le mouvement ouvrier aussi.


Les gouvernements serrent la vis aux syndicats


Partout en Occident, des gouvernements de plus en plus à droite serrent la vis directement, ou par la bande, aux syndicats. Aux États-Unis, la Cour Suprême a ouvert la voie à des licenciements massifs d’employés syndiqués.


En Europe, l’Organisation internationale du travail estimait en 2023 que 72 % des pays de l’Union européenne ont violé le droit de grève ces dernières années. En Australie, le gouvernement a pris le contrôle d’un syndicat de la construction il y a un an sous prétexte qu’il était gangrené par la corruption.


Au Canada, rappelons que le gouvernement fédéral (libéral) a forcé le retour au travail des cheminots du CN et du CPKC, des agentes de bord d’Air Canada et du personnel de Postes Canada. Le Québec s’est aussi doté d’une loi qui pourrait forcer les personnes syndiquées à mettre fin à une grève.


Attention aux conservateurs!


Lorsqu’on regarde de plus près, on constate que ces éventuels changements à la Formule Rand pourraient inciter les grands syndicats à absorber les plus petits, ces derniers seront sans doute incapables d’offrir des services adéquats à leurs membres à cause de leur perte d’autonomie financière. Mais si les conservateurs revenaient au pouvoir à Ottawa dans un horizon de 18 à 24 mois, comme le prédisent plusieurs experts, cette crise pourrait carrément se transformer en descente aux enfers.


On n’a qu’à se rappeler la loi C-377, qui obligeait les syndicats à communiquer des renseignements très détaillés concernant leurs finances et la loi C-525, qui rendait la syndicalisation plus difficile et la révocation des certificats d’accréditation plus facile. Deux mesures phares du gouvernement Harper, abrogées sous Justin Trudeau.

Bref, rien ne garantit que les lois C-377 et C-525 ne referont pas surface sous une forme ou une autre si un gouvernement conservateur reprenait le pouvoir.


La perception de ces changements à la Formule Rand varie selon où l’on se situe idéologiquement.  Mais si la CAQ va jusqu’au bout, c’est un virage qui redéfinira pour longtemps le rapport de force dans nos milieux de travail.


Et ça, c’est tout sauf anodin.

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