La parole citoyenne intéresse-t-elle les médias ?
- Stéphane Lacroix
- 14 mai
- 3 min de lecture

La campagne électorale fédérale s’est terminée le 28 avril dernier et, en toute franchise, on aurait pu espérer durant ces 35 jours que l’éventail des enjeux débattus dépasserait le strict horizon économique et les querelles de partis.
Un récent reportage de Radio-Canada le soulignait d’ailleurs : plusieurs enjeux essentiels ont été largement absents du radar médiatique au cours du dernier mois.
On aime dire avec raison que les partis doivent parler des vraies « affaires », mais il faudrait aussi rappeler que les médias partagent la responsabilité d’élargir le champ focal au lieu de simplement suivre celui que les partis imposent. N’est-ce pas leur rôle de tendre le micro au-delà des trois ou quatre thèmes qui polarisent l’attention et de braquer les projecteurs là où c’est moins éclairé ?
Soyons clairs : il ne s’agit pas de blâmer les journalistes. Les cadences infernales, la réduction des effectifs, et la pression des clics rendent leur tâche plus difficile. Mais en laissant le débat se réduire aux tarifs imposés par les États-Unis et à l’économie, notamment, c’est notre démocratie qui s’appauvrit.
Dans l’état actuel des choses, les revendications portées par les milieux communautaires, féministes, syndicaux ou par les OBNL qui défendent les droits des personnes en situation de handicap peinent à percer. Pourtant, ce sont souvent ces organisations qui, sur le terrain, voient les effets immédiats des politiques publiques — ou de leur absence.
Justement, cette absence des OBNL du débat public n’est pas sans conséquence : elle appauvrit la conversation collective et alimente l’impression que seuls quelques thèmes « rentables » méritent notre attention.
Et la parole citoyenne ?
Quand un orignal qui « sème l’émoi » à Saint-Jérôme reçoit plus d’attention que la disparition d’organismes qui aident des milliers de femmes à retrouver un emploi en région, on a de quoi rouler des yeux.
Et au risque de créer un malaise, j’aimerais poser cette question : est-ce que la parole citoyenne est véritablement entendue dans les médias ? D’ailleurs, le Festival du journalisme de Carleton-sur-Mer, qui aura lieu à la mi-mai, s’interroge à ce sujet. Ironiquement, le panel qui pose cette question est composé de trois personnes issues des médias… et deux du communautaire. De quoi provoquer d’autres roulements d’yeux.
SLa question mérite donc d'être posée : souhaitons-nous débattre dans une démocratie où toutes les voix comptent, ou être submergés d’analyses et d’opinions sur une poignée de sujets convenus ?
Les réalités de terrain méritent aussi de l’attention
Bref, il faudrait retrouver l’espace pour raconter, expliquer, contextualiser des sujets moins « populaires », pour donner la parole à ceux et celles qui n’ont pas les moyens d’acheter leur visibilité dans des publireportages, mais qui portent nos communautés à bout de bras, loin des projecteurs.
Mark Carney, Pierre Poilievre et Jagmeet Singh ne sont pas les seules voix qui comptent. Les réalités de terrain, celles que vivent chaque jour des milliers de personnes — bénévoles ou professionnelles — engagées dans les OBNL ou ailleurs, méritent tout autant notre attention.
Tiens, une idée comme ça : pourquoi ne pas donner la parole au milieu communautaire une fois par semaine dans les médias ? Je parie que, rapidement, les journalistes ne sauront plus où donner de la tête tellement les sujets portés par les gens de terrain sont diversifiés et passionnants.
Mais vous ne serez pas surpris-e d’apprendre que le texte que vous venez de lire, que j’ai proposé à plusieurs médias comme lettre d’opinion, n’a pas trouvé preneur…
Stéphane Lacroix est expert-conseil en communications et en gestion de crise chez Lacroix relations publiques.
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