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Les oubliés du progrès : les organismes communautaires

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La Presse a récemment donné la parole à une impressionnante brochette de personnalités et d’institutions pour réfléchir à la question : comment faire avancer le Québec ?


Le résultat est riche, certes, mais incomplet. Sur des dizaines de voix sollicitées, on retrouve une forte représentation du milieu universitaire et scientifique — HEC Montréal, l’Université de Sherbrooke, l’UQAM, Polytechnique, Mila, l’Institut du Québec, l’Association des économistes québécois — bref, tout ce que le Québec compte d’intelligences institutionnelles. Les organismes paragouvernementaux et groupes économiques y occupent aussi une place intéressante. Même les groupes de pression, qu’ils soient de droite ou de gauche, y ont trouvé écho.


Et c’est très bien ainsi.


Mais du milieu communautaire, celui qui agit chaque jour auprès des personnes les plus vulnérables, il ne reste qu’un mince écho : Le Chaînon.


Je tiens à préciser que je ne parle pas des organismes à but non lucratif ici, qui sont représentés adéquatement dans cette série de reportages, mais bel et bien du milieu communautaire, celui qui opère avec très peu de moyens auprès de clientèles défavorisées ou vulnérables.


En marge des discussions publiques


Ce déséquilibre en dit long sur notre rapport avec le communautaire. Nous continuons d’associer l’innovation sociale aux universités, la prospérité au secteur corporatif, la réflexion aux think tanks. Pendant ce temps, le réseau communautaire — celui qui soutient les femmes en difficulté, les personnes handicapées, les nouveaux arrivants, les personnes aînées isolées — demeure essentiellement en marge des discussions publiques.


Où est le Conseil d’intervention pour l’accès des femmes au travail, un groupe féministe très actif et dynamique ? La Confédération des organismes de personnes handicapées du Québec, qui a organisé le premier Sommet national sur le handicap à l’automne 2024 ? L’Association québécoise de la dégénérescence maculaire qui a réuni récemment des centaines de personnes lors d’un événement très couru à Québec ?

Pourtant, ces organismes — et d’innombrables autres — vivent au quotidien ce que les chercheurs, chercheuses et économistes comprennent parfois plusieurs mois ou années plus tard. Ce communautaire qui trouve des solutions concrètes, ancrées dans la réalité du terrain, souvent à coût modique et à impact durable, mais dont on parle très peu ou pas du tout.


Il m’apparait évident que, si l’on veut « faire avancer » le Québec, il faut reconnaître le milieu communautaire pour ce qu’il est : un acteur stratégique de transformation collective aussi important que les groupes de pression, les secteurs corporatif, universitaire et de la recherche.


Dans la série de reportages de La Presse, on parle de courage politique. J’aurais envie de leur renvoyer la balle en les invitant au courage éditorial.


On pourrait commencer par donner au communautaire une véritable place (récurrente) dans leurs écrans. Bref, retranchons quelques tribunes de politiciens ou de journalistes à la retraite au profit des gens qui interviennent de manière décisive sur le terrain.


Donner la parole à celles et ceux qui bâtissent autrement


Le Québec ne manquera jamais d’idées dans ses universités ni de capital dans ses institutions financières. Ce qui lui manque, c’est d’entendre les forces qui œuvrent sur le terrain. Les grands projets nationaux, les politiques publiques et la recherche sont des composantes importantes de la progression du Québec dans les prochaines décennies, mais on gagnerait à prêter l’oreille à cette intelligence collective que portent les organismes communautaires.


Sans leur sagesse et leur expérience, le débat risque de devenir intellectuel et de s’éloigner de ce qui se passe sur le terrain. Et ce n’est pas comme ça qu’on va progresser véritablement vers une société plus juste, équitable, saine environnementalement et accueillante pour toutes et tous.

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