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Projet de loi n° 89 : un équilibre ou une entrave aux droits des travailleurs et travailleuses?

Photo du rédacteur: Stéphane LacroixStéphane Lacroix

Dernière mise à jour : 10 mars

Stéphane Lacroix a œuvré plus de 20 ans comme directeur des communications d’un syndicat canadien. Il est désormais expert-conseil en relations publiques et en gestion de crise.

 

Cette lettre d’opinion est parue dans les pages et les écrans du quotidien Le Devoir.


Le ministre du Travail, Jean Boulet, a présenté la semaine dernière le projet de loi n° 89, qui vise à encadrer les grèves et lockouts en maintenant certains services essentiels et, dans des cas exceptionnels, en permettant au gouvernement d’imposer un arbitrage pour trancher les différends. Selon le ministre, cette loi cherche à équilibrer le droit de grève et la protection de la population, notamment les personnes vulnérables.

 

Sans surprise, le milieu syndical s’est vivement opposé à ce projet, dénonçant une atteinte aux droits de leurs membres et parlant même de « déclaration de guerre aux travailleurs et travailleuses ».

 

Mais ce débat n’est pas nouveau. Depuis plusieurs décennies, des gouvernements successifs cherchent à limiter la marge de manœuvre des syndicats sous prétexte de protéger l’économie et la population.

 

 

Des précédents législatifs qui ont marqué le mouvement syndical

 

En 2015, à la fin du dernier mandat conservateur à Ottawa, le projet de loi C-377 imposait aux syndicats une transparence financière accrue, obligeant la divulgation de toutes les transactions de plus de 5 000 $ et des salaires de leurs dirigeants. La même année, le projet de loi C-525 modifiait le processus de syndicalisation dans les secteurs fédéraux en supprimant la reconnaissance automatique des syndicats lorsque la majorité des employés signaient une carte d’adhésion.

 

L’argumentaire derrière ces lois et le raisonnement du ministre Boulet repose sur une idée bien ancrée dans une certaine droite politique : les syndicats seraient un frein à l’économie et prendraient la population « en otage » lorsqu’ils exercent leur droit de grève. Une vision qui a trouvé un certain écho dans la société québécoise - et ailleurs en Occident - au fil du temps.

 

De fait, il suffit d’observer les discussions en ligne sur les réseaux sociaux syndicaux et progressistes pour constater que cette rhétorique a été intégrée par une partie de la population, y compris par les membres des syndicats.

 

Des défis de taille pour le mouvement syndical

 

Les organisations ouvrières sont confrontées à trois défis majeurs. D’abord, elles doivent mobiliser leurs membres dans un contexte où l’engagement syndical s’affaiblit. Ensuite, elles doivent investir des ressources importantes pour mieux communiquer, à la fois pour rallier leurs membres et sensibiliser l’opinion publique, tout en s’opposant aux lois qu’elles jugent restrictives. Enfin, elles doivent faire preuve de leadership et de vision, alors que certaines têtes dirigeantes syndicales sont critiquées pour des dépenses jugées excessives ou des voyages jugés non pertinents en pleine renégociation de conventions collectives.

 

 

Un avenir incertain pour les relations de travail

 

Que ce soit Mark Carney ou Pierre Poilièvre qui prenne les rênes du pays lors des prochaines élections, leur ligne directrice en matière de relations de travail restera sensiblement la même que celle du gouvernement Legault : tolérance zéro pour les grèves perturbatrices.

 

Dans un contexte de guerre commerciale avec les États-Unis et d’instabilités géopolitiques croissantes, les gouvernements serrent la vis aux groupes perçus comme des menaces potentielles à la stabilité économique. Les syndicats en font partie.

 

La question demeure : le projet de loi n° 89 est-il une réponse nécessaire à des enjeux de société ou à une restriction de plus au droit des travailleuses et travailleurs?

 

Le débat est lancé.

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